Jeux d’argent en ligne : quand les adolescents entrent dans le jeu !
Paris sportifs, poker, loterie, jeux de grattage : les jeux d’argent et de hasard en ligne attirent de nombreux adolescents. À tel point qu’on considère qu’un tiers des jeunes de 15 à 17 ans s’y sont déjà adonnés ! Pourtant, les jeux d’argent, qu’ils soient en physique ou en ligne, sont strictement interdits à tous les mineurs de 18 ans, y compris ceux déjà émancipés. À quelle fréquence jouent les jeunes ? À quoi jouent-ils ? Avec quel argent ? Mon enfant et les écrans dresse un bilan du jeu en ligne chez les adolescents et tire la sonnette d’alarme quant aux risques auxquels il les expose.
L’emprise des jeux d’argent et de hasard
En 2023, le chiffre d’affaires des jeux d’argent et de hasard a atteint 13,4 Md€, dont 2,3 Md€ pour les activités en ligne. Un chiffre édifiant qui témoigne à lui seul de l’engouement du public pour cette activité qui peut s’avérer excessive, voire pathologique.
Qu’entend-on par jeux d’argent et de hasard ?
On parle de jeux d’argent et de hasard pour définir toutes les activités à l’occasion desquelles les joueurs misent de l’argent. Et également pour lesquelles l’issue repose sur le hasard, en partie ou exclusivement.
Entrent dans cette catégorie les jeux de grattage et de tirage, mais également les parties de poker en ligne ou encore les paris sportifs/hippiques. En effet, même si dans ces deux derniers cas, l’adresse intellectuelle, l’habileté, l’expérience ou les connaissances du joueur sont une composante du résultat, le facteur chance déterminera pour l’essentiel le résultat.
Jouer de façon problématique ou excessive
On parle de jeu problématique ou excessif quand le joueur joue à un degré tel que cela compromet, perturbe ou endommage les activités familiales, personnelles ou récréatives. Le jeu problématique ou excessif impacte négativement celui qui le pratique ainsi que ses proches. Isolement, rupture des relations sociales et familiales, surendettement, répercussions sur le temps de travail ou scolaire, anxiété voire dépression… L’exposition aux jeux d’argent et de hasard n’est pas sans risques.
Le cas particulier du jeu pathologique
On parle de jeu pathologique lorsque le joueur joue plus souvent et plus longtemps qu’il ne le souhaite. De plus il a du mal à contrôler son jeu et ressent un manque quand il ne joue pas. L’addiction au jeu s’apparente alors à une dépendance à une substance. Cela tient au fait que notre corps sécrète, à chaque gain, de la dopamine. Cette hormone du bien-être et du plaisir immédiat impliquée dans le cercle vicieux de l’addiction. Cette addiction comportementale, ou addiction sans substance, est reconnue depuis 2013 (et non plus seulement comme un trouble du contrôle des impulsions).
État des lieux des pratiques de chez les mineurs
Selon une enquête de la SEDAP (Société d’Entraide et D’Action Psychologique) réalisée en 2021 34,8% des adolescents de 15 à 17 ans ont joué au moins une fois à un jeu d’argent lors de l’année écoulée. Parmi eux, 21,9% peuvent être caractérisés de joueurs excessifs et 13% de joueur à risque modéré. C’est au total, six fois plus que chez les adultes !
Point d’attention pour les parents : parmi les ados joueurs, les pratiques en ligne ne concerne qu’à peine ado sur 2 ! Ainsi 49% des mineurs joueurs le font exclusivement dans des lieux physiques notamment selon eux en raison de la facilité à y jouer.
Des pratiques à risque en hausse chez les jeunes
Comment jouent les jeunes ?
D’après le site Pasdujeu.fr[1], les adolescents affectionnent particulièrement les jeux de grattage (78,4%), la loterie (58,4%), les paris (28,3%) et les casinos en ligne (16,6%). Sans revenus fixes, 68% des jeunes joueurs jouent avec la carte bleue d’un de leurs proches. Loin d’être une pratique occasionnelle ou divertissantes, ces activités sont inquiétantes lorsqu’elles incitent les adolescents à rejouer une autre journée pour « se refaire » (42% selon l’étude de la Sedap), miser plus d’argent que ce qu’ils pouvaient se permettre de perdre (32%) ou vendre quelque chose ou emprunter pour avoir de l’argent pour jouer (24%). Autant de pratiques à risque pouvant mener sur la voie de l’addiction ou entrainer des difficultés financières…
Des risques accrus chez les adolescents
Avec la libéralisation des jeux en ligne, les mécanismes attractifs (bonus) [2], notamment en ligne (diffusion via les réseaux sociaux, influenceurs), jouer de l’argent est devenu une pratique banale, voire valorisée qui affecte particulièrement les mineurs.
Par rapport aux adultes, les adolescents ont davantage de mal à poser des limites sur leur temps de jeu ou sur l’argent qu’ils peuvent y consacrer. Ils rencontrent également plus de difficultés à évaluer la notion de risques. À la différence d’une substance nocive, l’aspect ludique du jeu d’argent en ligne les empêche d’envisager cette activité comme une pratique à risque et la perçoive parfois comme un divertissement. Enfin, les premiers gains, s’ils arrivent rapidement, peuvent développer chez les plus jeunes la fausse croyance selon laquelle on peut gagner sa vie en jouant à des jeux d’argent et de hasard. Un engrenage à éviter absolument !
L’attirance des jeunes pour les jeux d’argent et pour les univers numériques peut les aussi les amener à s’orienter vers des sites illégaux, souvent plus attractifs mais bien plus risqués (détournement des données personnelles et bancaires, escroqueries, intégrité des jeux, risques plus grands d’addiction …)
Les signes à surveiller
Comme tout trouble addictif, la dépendance au jeu n’est pas sans conséquences sur la vie d’un jeune. En tant que parent, il convient d’être particulièrement vigilant : si votre adolescent est lunatique ou agité, anxieux ou déprimé, ou qu’il ment ou semble agir de façon secrète, Des problèmes scolaires liés à la concentration, Un manque d’assiduité aux activités extra-scolaires, des difficultés relationnelles avec ses amis ou le fait qu’il nourrisse un intérêt nouveau pour les questions d’argent sont autant de signes qui doivent vous alerter. Tout comme le fait qu’il possède de nouveaux objets de valeur, par exemple !
Comment agir en tant que parent et aider son adolescent qui joue en ligne ?
En tant que parent, vous pouvez agir pour limiter le risque d’une pratique de jeu d’argent de votre enfant.
Donner l’exemple
En matière d’éducation, les habitudes des parents sont structurantes pour les enfants. À cet égard, le jeu en ligne ne déroge pas à la règle. Facteur de risque, le jeu parental démystifie auprès des plus jeunes une pratique que l’on sait à risque. Ainsi, selon une enquête de l’Unaf et de l’ANJ en 2020, 41% des parents affirment avoir déjà proposé à leur enfant de jouer ou de participer à un jeu d’argent (54% pour les parents étant eux-mêmes des joueurs). Selon l’enquête du SEDAP, l’initiation aux JAH se fait avec les parents autour de 13,3 ans en moyenne. Rappelons que toutes les études tendent à démontrer que plus un joueur commence à jouer jeune, plus les risques d’addiction sont importants.
Si vous appréciez à titre personnel les jeux d’argent et de hasard, veillez à éviter de le faire en présence de vos enfants et de les impliquez dans ces activités notamment en valorisant des fausses croyances (la chance du débutant par exemple). Cette vigilance concerne particulièrement les pratiques de grattage et de tirage dans les points de ventes (buraliste). S’ils vous surprennent en train de jouer, expliquez-leur qu’il s’agit d’un divertissement pour lequel vous consacrez un coût (celui de l’argent perdu) dans un budget précis défini à l’avance. La règle d’or est de ne jamais mettre en avant les potentiels gains réalisés.
Encadrer
Pour aider votre adolescent à moins jouer, voire à arrêter, vous pouvez lui demander d’évaluer de manière sincère sa fréquence de jeu et les montants qu’il dépense. Quoi qu’il arrive, ne laissez évidemment jamais à vos enfants un libre accès à votre carte bleue.
De manière plus coercitive, vous pouvez gérer les accès en ligne de vos enfants en instaurant des temps sans écrans à la maison ou en utilisant un contrôle parental pour enrayer l’accès aux sites interdits aux mineurs. Mais n’oubliez pas que ces dispositifs ne sont pas infaillibles.
Si le rapport problématique au jeu persiste, votre enfant a peut-être besoin d’un accompagnement par des professionnel. Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) peuvent vous informer, évaluer la situation. Et ainsi, le cas échéant assurer une prise en charge médicale, sociale et éducative.
L’essentiel
- Un tiers de jeunes de 15 à 17 ans a déjà joué à un jeu d’argent ou de hasard en ligne dans l’année écoulée.
- Le jeu en ligne est une pratique à risque qui peut mener jusqu’à l’addiction.
- Plus on commence à jouer jeune, plus les risques d’addiction sont accrus.
- Les parents doivent être particulièrement vigilant quant à ce qu’ils montrent ou transmettent en matière de jeu d’argent.
- Les pratiques en ligne ne concernent qu’1 joueur mineur sur 2 (l’autre partie jouant dans des points physiques)
Pour aller plus loin
Le site Evalujeu.fr propose de faire le point sur ses pratiques de jeu. Ou même sur celles d’un joueur de son entourage grâce à un test gratuit et anonyme qui ne prend que quelques minutes. Une habile manière de prendre conscience de son addiction au jeu, première étape sur la voie d’un changement d’attitude pérenne !
[2] Si aujourd’hui, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) a élaboré un cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs à destination des opérateurs. Pendant longtemps la publicité a pu présenter les paris en ligne comme une source de gains financiers sans être inquiétée. Si bien que les voitures de luxe, les villas de rêve et autres voyages en yacht sont intimement liés à cette pratique dans l’imaginaire collectif.
[1] Site d’information du groupe Betclic et de l’association e-Enfance