Identité numérique : se construire à l’ère 2.0
L’omniprésence d’internet dans nos vies charrie son lot de changements sociétaux. Pas un domaine n’y échappe, à commencer par celui de la construction de soi. À l’identité réelle vient désormais s’ajouter l’identité numérique. Comment la définit-on ? Quelle place occupe-t-elle dans la vie des plus jeunes ? Garçons et filles l’abordent-ils de la même manière ? Éclairages et paroles d’experts…
Une identité subie ou construite ?
L’ensemble des traces que nous laissons sur le web forgent notre identité numérique. Photos sur les réseaux sociaux, commentaires sur les blogs ou messages sur les forums forment les contours de notre personnalité en ligne. Un second soi, version 2.0 !
Une identité subie
Nés à l’ère du numérique, nos adolescents n’ont pas connu de monde sans écrans. Pour ces digital natives, la question de l’identité numérique ne se pose pas. Elle s’impose ! Au point de devenir une identité subie :
- Trop précoce, l’identité numérique se dessine bien avant l’adolescence. Un sondage réalisé en 2010 par l’éditeur de logiciel AVG avait ainsi révélé que 7 % des enfants de moins de 2 ans possédaient déjà un profil numérique. Un chiffre qui n’a cessé de croître depuis !
- Le besoin de reconnaissance conduit souvent les adolescents à choisir le contenu qu’ils postent sur les réseaux sociaux en fonction des likes qu’ils espèrent générer. Un sondage réalisé en 2010 par l’éditeur de logiciel AVGalors aliénante car elle répond au diktat de la popularité. Au détriment de l’affirmation de soi !
Le désir de se construire
Le numéro d’avril 2017 de la revue Les sciences de l’éducation consacre un article à l’identité numérique. Annie Lochon, professeure à l’université de New York, y présente l’identité numérique comme l’une des voies de la construction de soi à l’adolescence. Créer un blog à l’abri derrière un pseudonyme peut ainsi permettre à un adolescent timoré d’exposer ses passions et centres d’intérêt, sans crainte du jugement du groupe. L’anonymat servant ici de paravent utile pour l’affirmation de soi.
Une identité refuge
Passage obligé entre l’enfance et l’âge adulte, l’adolescence est une période jalonnée de changements souvent déroutants. L’identité numérique peut alors faire office d’identité refuge pour des adolescents confrontés à une mue qu’ils ne maîtrisent pas.
Se construire à moindre coût
Psychologue et psychanalyste, Michaël Stora a échangé six années durant avec 200 jeunes âgés de 15 à 25 ans. Souvent déscolarisés, ils consacraient la majeure partie de leur temps à incarner un personnage du jeu en ligne World of Warcraft. Une façon de fuir la réalité, trop coûteuse, pour lui préférer les plaisirs faciles du combat virtuel !
La culture de l’instant
Dans l’ouvrage Adolescence et psychopathologie paru en 2018 aux éditions Elsevier, les psychiatres Daniel Marcelli, Alain Braconnier et Louis Tandonnet ont décrit une identité numérique placée sous le signe de l’instantanéité. Le meilleur exemple ? La messagerie instantanée Snapchat, qui permet l’envoi d’images et de messages éphémères. Sitôt publiés, sitôt effacés, ces posts autorisent le dévoilement de soi par à-coups brefs et fugaces. Une identité chewing-gum, vite consommée puis jetée !
Filles et garçons, des pratiques différenciées
Les modalités par lesquelles se construit l’identité numérique diffèrent chez les filles et les garçons. Zoom sur des pratiques en ligne plus genrées qu’il n’y paraît !
Mon fils, ce héros !
L’institut IPSOS a publié en octobre 2019 les résultats d’une enquête de terrain réalisée auprès de 1000 jeunes âgés de 15 à 25 ans. On y apprend que 71 % des filles fréquentent régulièrement Youtube, contre 81 % des garçons. Ces derniers utilisant les vidéos comme un moyen de partager leurs expériences vécues, sous forme d’exploits souvent scénarisés.
Des amitiés au féminin
Autre chiffre clé de l’enquête IPSOS, 68 % adolescentes fréquentent assidûment Instagram (14 points de plus que les garçons). Les filles utilisent en effet le réseau social pour tisser et entretenir des amitiés à mi-chemin entre la vie réelle et la vie numérique.
L’essentiel
- Très précoce, l’identité numérique apparaît dès la prime enfance.
- Le besoin de reconnaissance en fait souvent une identité subie.
- L’identité numérique peut servir d’identité refuge pour les adolescents en situation d’échec.
Pour aller plus loin
Nadia Ghani, professeure certifiée, a présenté en 2017 un mémoire intitulé « La construction de l’identité numérique. Des pratiques adolescentes à la maîtrise de sa présence numérique ». Une étude éclairée et pertinente sur la construction de l’identité en ligne !